dimanche 16 octobre 2011

De retour de "Qualif"

Je viens de terminer lundi 10 Octobre 2011 ma qualification hors course de 1000 milles en solitaire (dite "Qualif") sur la boucle imposée par la classe mini allant de l'Irlande à l'Ile de Ré en passant par la plateau de Rochebonne.

Parti le samedi 01 Octobre 2011 à 11h après les derniers préparatifs, je profite du beau temps et d'un fort coefficient de marée favorable pour le goulet puis le chenal du four. La météo s'annonce clémente sur les premiers jours: les fichiers Grib (vent) prévoient 15nds de SW dans 48h du côté de l'Irlande. Tout les voyants sont donc au vert et je n'hésite donc pas à enchainer sur cette Qualif le surlendemain de mon débarquement du LEON THEVENIN sur lequel je viens de passer 2 mois d'embarquement.
Un petit problème tout de même: impossible de remettre la main sur les cartes du SE Irlande couvrant la bouée de Coningbeg que je dois aller virer; une solution se dessine: je vais faire un touch and go au Conquet où Nicolas GERARD (mon coéquipier cette saison et ancien propriétaire de TOU KOREK) m'attend avec ces cartes empruntées à son papa, grand navigateur de ces régions. Un grand merci à eux pour ce coup de main précieux.
Je passe donc le Four en fin d'après midi dans une ambiance "crème solaire" très agréable mais le vent tombe complétement en fin de journée. Les dauphins m'accompagnent:

Traversée du rail d'Ouessant sans problèmes cette première nuit. Merci à l'AIS qui apporte réellement un plus en permettant de suivre l'évolution des navires de commerce et de certains pêcheurs.
Le lendemain (02/10/11) est encore une très belle journée ensoleillée qui me permettra d'effectuer une droite de hauteur le matin puis une méridienne afin de déterminer ma position au sextant comme demandé par la classe mini. Il a fallu que je me replonge dans mes cours de MarMar mais c'est un exercice plutôt plaisant dans ces conditions météo qui me permettent d'obtenir une précision tout à fait honorable. Je ne le sais pas encore mais je ne reverrai plus tellement le soleil par la suite...
Passage de la pointe occidentale anglaise (Land's End) à la tombée du jour sur un "lac" à la vitesse de 2 nœuds sous grand spi: impression étrange d'avancer sans un souffle d'air !

La météo marine de France Inter grandes ondes reçue à 20h ce 02/10 est sans équivoque: la dépression Islandaise est descendue plus bas que prévu et le vent va fraichir sur ma zone: force 5-6 SW, bien orienté.  La bruine tombe également cette nuit là. Je change de spi dans la nuit pour finalement l'affaler dans la journée du 03/10 quand l'anémo fleurte avec les 28noeuds après 2 départ au tas. J'ai bien avancé en effectuant des surfs "magiques" à plus de 12 noeuds.
Le vent continue de fraichir et c'est sous des rafales à 35 noeuds que je passe la bouée Coningbeg sous tourrmentin. Pas facile de prendre la photo dans ces conditions! On devine à peine la bouée mais je suis surtout occupé à apprécier le moment.

Puis route Sud au bon plein après matossage et  changement de voile d'avant sportif. Ça tape et je dois me rendre à l'évidence: mon estomac n'a pas apprécié ces épreuves: j'ai le mal de mer !
Je peux faire route direct sur Land's End puis après avoir passé le fameux phare de Wolf Rock,

je traverse de nouveau la manche en faisant un maximum d'ouest pour éviter le Four et le Raz qui risque d'être contraires au moment de mon passage.
Traversée du rail plus délicate au abords du DST d'Ouessant, mais là encore l'AIS me sauve.
Je passe la pointe Bretonne puis cap sur le plateau de Rochebonne, au large de la Rochelle, sous une allure quasi travers dans un vent de 15-20 nds: ça file et la bouée Rochebonne NO est passée le 06/10/11

J'abats donc vers le pont de l'Ile de Ré et en profite pour faire tourner le groupe électrogène quelques heures. C'est en effet le nerf de la guerre en solitaire car sans énergie, pas de pilote, GPS, VHF, AIS, feux de nav,... Les panneaux solaires sont là pour la recharge mais quand on ne voit pas le soleil....
Le vent fraichit et les grains deviennent fréquents, un de ceux-ci me surprendra et occasionnera une jolie figure de style (départ à l'abatée avec empannage)
J'arrive à l'Ile de Ré et la météo glanée au sémaphore de Chassiron ne me rend pas très serein: NW 5-6 avec rafales à 30-35 nds: on est pas loin du Bulletin Maritime Spéciale (BMS) "Avis de grand frais" qui pourrait justifier une escale météo. j'hésite à escaler à La Rochelle qui me tend les bras mais je mets le clignotant à gauche pour passer sous le pont


et continuer ma boucle: je réduits la voilure et fait le dos rond. Les nombreux virements sont harassants pour passer le pertuis Breton entre l'Ile de Ré et le continent: bas-étai et bastaques ne sont pas vraiment fait pour ces manœuvres incessantes, mais mains non plus.
Le début de nuit est marqué par un slalom entre les nombreux pêcheurs à la bolinche dont la route est très aléatoire mais qui ont l'avantage d'être bien visible avec leur gyrophare. Je tire au large pour limiter les virements et me reposer un peu au large.
Passage de l'ile d'Yeu le lendemain(07/10/11) avec toujours un vent soutenu de NW, dans le pif !
Le lendemain (08/10/11) est une belle journée passée entre Houat,  Houedic et Belle ile. Nous sommes samedi et les voiliers sont de sortie dans ce coin proche de la Mecque de la voile: la Trinité sur mer.
En prenant un ris dans la GV, j'ai la désagréable surprise de remarquer que ma cale de pied de mat est sortie de son logement et que le mat bouge dangereusement: affalage complet et remise en place au marteau me prenne une bonne heure.
Le vent est toujours soutenu et la mer hachée: la nuit s'annonce difficile.
Effectivement, ça tape, ça mouille et ça dure ! l'alarme de tension basse sur le pilote a raison de ma perseverance: je mets à la cape pour limiter les paquets de mer, puis recharge les batteries au sens propre comme au figuré: 3 heures de groupe électrogène et 3 heures de sieste! Je repars de plus belle au petit matin.
Arrivé au large des Glenan, le vent adonne en mollissant et me permet de franchir le raz de sein. A contre courant coeff 72 et mi-marée, le paysage défile doucement!
Passé Thevenec, un bruit étrange m'interpelle du côté de la barre: la ferrure inférieure du safran babord a rompu sa boulonnerie et a pris un jeu important. J'affale toute la toile et effectue une réparation de fortune pour les 20 derniers milles à allure réduite.
J'arrive finalement au ponton de Brest Moulin Blanc vers 3h00 du mat sous un faible flux d'ouest et crachin. Je ne m'attendais pas à avoir un comité d'accueil à cette heure mais ma maman me fais des grands signe sur la digue opposée en lançant un "coucou, j'ai du café" des plus charmant. Ambiance irréelle ! Merci
Je suis satisfait d'avoir pu achever ce parcours qualificatif qui s'est avéré riche d'enseignements sur moi-même et le bateau. Cela me servira à l’évidence pour la saison prochaine.
Terminé pour cette saison, rdv l'année prochaine...